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Le voyageur immobile (3)

#1

Voici la suite de l’extrait N°2

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J’ai dormi peu de temps. A nouveau le réveil
Me retient étendu, tous les sens en éveil.
Je porte ma pensée vers un marivaudage.
Aussitôt, apparaît un ravissant visage
Au regard souriant, peut-être aussi, moqueur
Mais d’où s’exhale en fait une grande douceur.
Une lèvre est tendue devant moi, peu farouche,
M’invitant à goûter la tiédeur de la bouche ;
Je ressens la chaleur qui pénètre ma peau
Puis savoure, avec joie, l’offrande, le cadeau
Qui m’est ainsi offert en cette heure tardive.
Tandis que les bras blancs de ma jeune captive
Caressent mon visage, et mon front, mes cheveux,
Que son regard bleuté se plante dans mes yeux,
Mon souffle est embrasé sous le coup de l’étreinte
Et ma tête, en entier, très bientôt est atteinte
Par l’illumination de ce rêve pervers
Qui a su m’amener dans cet autre univers.
Mais je ne m’en plains pas, et je puise au bonheur
Qui s’offre ainsi, à moi, en grand dominateur.
Oui, savourer l’ivresse infiltrant dans mon âme
Un sentiment brûlant, pareil à une flamme,
Sans retenue aucune, imprégné de jouissance !
J’abandonne mon corps sans plus résistance
Aux caresses lascives emportant mon esprit
Dans un monde enchanteur où rien n’y est proscrit.
Je me laisse bercer dans l’étrange mirage
Qui projette, à mes yeux, la douceur d’un visage
D’une extrême beauté, tout empreint de jeunesse,
Qui m’incite aux voyages et me pousse à l’ivresse.
A la moiteur du front se mêle la sueur,
Cela provient du fait que bat trop fort mon cœur ;
D’un geste de la main, je cherche à m’éponger,
Pourtant, je me reprends par crainte de troubler
Ou de rompre le charme, en cet instant précis.
Mon geste en reste là et demeure indécis
Mais des lèvres, à nouveau, s’accolent à ma bouche,
Me faisant tressaillir sur le drap de ma couche.
Je ne me retiens plus, d’un ample mouvement,
Dans un élan parfait de mes bras, brusquement,
Je cherche à attirer ce beau corps qui se donne
Avec une passion qui, quelque peu, m’étonne;
Mais le désir est fort, plus fort que la raison,
Puis, ne vibrons-nous pas dans un même unisson ?
Je suis tout à l’ardeur de l’élan qui me porte
Et, devant mon essai qui brusquement avorte,
Je comprends que mes mains n’ont brassé que les airs
Au lieu d’entrelacer entre leurs doigts : des chairs.
Le rêve s’est éteint, et avec lui son charme,
J’éprouve l’impression d’avoir vécu un drame.
Je conçois ma méprise et reste dépité
Car, dans mon cœur, le feu est resté allumé.
Etre soudain trahi de façon si grossière
Fait naître dans mon sang une sourde colère
Et puis, porter le poids de cette dérision
Après avoir commis pareille confusion,
Amène sur ma joue la teinte de la honte,
A ma stupidité, alors, je me confronte.
Recouvrant la raison, ce n’est pas sans regret
Que je dois, de ce rêve, en oublier l’objet.
Je garde encore, un temps, ma pensée vers l’image
Que je sens s’évanouir pareille à un nuage ;
La tristesse me prend, puis l’envie de pleurer,
Je plonge alors ma tête au creux de l’oreiller.
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Le sommeil m’a repris, avec lui son cortège
De rêves un peu fous. Je tombe dans le piège
Mais je me sens si bien, pris dans le tourbillon
Qui va guider mes pas vers un autre horizon.
J’aimerais découvrir un monde de silence
Pour calmer ma pensée en pleine effervescence.
Je me retrouve, alors, au pied d’une montagne
Dont la cime dressée comme un mât de cocagne
Disparaît dans l’écran d’un nuage ventru
Qui semble me défier. Devant ce malotru
Qui me nargue à outrance et me jette l’outrage,
Mon être entier s’emplit d’une violente rage
Puis, sans nul instrument, je me mets à grimper
A l’assaut du granit, sans me préoccuper
Si je pourrai ou non parvenir la cime.
Déjà, derrière moi, se dessine l’abîme
Avec ses rochers noirs pourvus d’un air moqueur
Qui voudraient en mon âme y semer la frayeur.
Je chasse la vision, la pensée de la chute,
Revenant, néanmoins, elle me persécute
Mais je sais, cependant, qu’elle bluffe, et m’enferme
Afin de me tenir. Or ma prise tient ferme
Et chaque instant gagné me pousse vers le ciel,
N’est-ce pas là, en fait, ce qui est l’essentiel ?
Plus je pressens mon but j’éprouve l’épouvante
Plus d’une main j’assure une prise suivante ;
Mes doigts, dans une faille, accrochent le rocher,
Mon pied à chaque pas se retient de glisser,
Mes forces sont à bout, malgré tout je me hisse,
Et la pierre vaincue, sous ma semelle crisse.
Je m’élève toujours, et mon souffle haletant
Ressemble à un soufflet qui devient inquiétant.
Je puise cependant la force nécessaire
Pour quitter cette pose assurément précaire.
Là, je me rétablis, puis de la main j’agrippe
Un rocher sur lequel je sens mon doigt qui ripe.
Dans un dernier sursaut, par un violent effort,
Je resserre ma prise et repousse la mort.
Je gagne encore un mètre et, sur une corniche,
Je peux souffler un peu en poussant un grand: "ouiche!"
Là, tandis que j’attends que les forces reviennent,
Que l’haleine se calme et mes désirs soutiennent
L’envie de parvenir au sommet blanc de neige,
Le nuage à nouveau me jette un sortilège.
En crevant violemment, il lance sa fureur
Dans un assaut brutal qui bouscule mon cœur.
Tout mon corps est transi, un instant il chancelle
Mais, comme un feu de bois qu’allume l’étincelle,
La vie revient soudain, puis je reprends l’assaut
Avec vivacité, d’un étonnant sursaut.
La roche, sous mon corps qui l’épouse, se glisse,
Mon jarret qui se tend, à chaque fois me hisse
Et je monte toujours bien plus haut vers les cieux,
Allant vers le nuage encor plus furieux.
Je m’approche de lui et je vois sa limite,
A le savoir si près, il est vrai, je m’excite
Et poursuis courageux ma pénible ascension
Car je reçois des pleurs pour mon insoumission.
Que m’importe à présent ! Je pénètre la brume,
Le sommet n’est plus loin, du moins, je le présume.
Plus que quelques efforts avant de déboucher
Sur un ciel si serein qu’il fera oublier
Le prix de la montée, le poids de la souffrance.
Sitôt que j’y parviens, je remercie la chance
Puis j’entrouvre les bras en signe de victoire
Mais, déséquilibré, tombe du promontoire.
Dans la chute qui suit je maudis mon orgueil
Qui va, dès à présent, me conduire au cercueil.
La vitesse s’accroît et brise mon haleine,
Je voudrais respirer, j’y parviens avec peine,
L’abîme m’apparaît et m’arrache un frisson,
Je lance un cri d’effroi mais n’entends pas le son
Car ma gorge est nouée, serrée par la terreur,
Mon esprit impuissant en découvre l’horreur.
Je recherche un moyen pour freiner dans ma chute,
Je n’avais pas prévu, sur moi, de parachute.
Je n’ai plus qu’à prier et demander au ciel
D’obtenir un secours qui soit providentiel.
Il n’y faut pas compter, je dois me montrer brave
Avant d’être réduit, comme une vieille épave,
Destiné à pourrir en un lieu si secret
Que dès ma mort venue, nul n’en saura l’objet.
Plus le sol se rapproche et moins j’ai d’illusion,
Mon âme auprès de Dieu a fait sa contrition,
La terre est à deux pas, je sombre avec regret,
Me réveille, étonné, sur le bois du parquet.


(à suivre)
 

Ashwaria

Nouveau poète
#2
Quelle imagination, quelle histoire et quelles peregrinations! Moi je suis voyageuse mobile et j`en ai moins vu que toi! rires.
bravo, je vais voir la suite!
amities,
M