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Le voyageur immobile 5

#1


Le voyageur immobile, suite du chapitre précédent

J’ai envie de pleurer, noyé dans la misère
Qui enserre mon cœur d’une telle manière
Qu’un profond désespoir brise tout mon effort
A me sortir d’ici où, malgré le confort,
Je me sens assez mal, car là n’est pas ma place!
Et même si j’étais, un jour, dans un palace
Je sentirais en moi ce malaise certain
Qui me pousse à partir dans un monde lointain.
J’ai besoin d’horizons où le surnaturel
Domine sans arrêt ; vivre dans l’irréel
Quand l’esprit se détend, se délasse et s’évade
Est, je dois l’avouer, une pure bravade
Mais, je me sens si bien à goûter ce repos
Qui ne règne qu’ici, et qui vient à propos
Pour me réconforter, pour effacer ma peine
A devoir supporter une vie de déveine.
Oui, j’aime à provoquer moi-même mon exil
Et quoique ce moyen paraisse puéril
Il m’accorde un bonheur, une joie éphémère
Au travers d’épopées qui sont dignes d’Homère.
Mon regard s’assombrit, je vais bientôt partir
Dans un rêve nouveau. Je ne peux pressentir
Sous quels cieux je fuirais dans mon vagabondage.
Je largue les amarres et remonte un cordage,
Puis hisse la voilure où s’engouffre le vent
Qui pousse le voilier loin du quai en ciment.
Je traverse le port et dépasse le phare
Avec un élan tel qui, quelque peu, m’effare.
Vite, je me reprends d’une simple impulsion,
Tandis que mon coursier poursuit sa progression.
Le gouvernail en main, j’aperçois mon étrave
Qui plonge dans les eaux, d’une allure si brave
Que je n’éprouve plus de crainte, de frayeur
Dans les embruns glacés qui volent avec fureur.
Le vent, en se scindant, là-haut, dans la mâture,
Comme un supplicié criant sous la torture,
Dans un bruit de détresse hurle aux quatre horizons
Et semble m’adresser quelques ignobles jurons.
Mon oreille se ferme à la plainte sonore
Qui se perd dans la nuit, s’estompe, s’évapore,
Avant de revenir dans un nouvel élan.
Pour mieux m’en protéger, le col de mon caban
Que j’avais redressé, me recouvre la tête,
Je reste ainsi, vaillant, luttant dans la tempête ;
Les vagues, à l’assaut, se ruent sur le navire
Un instant, il est vrai, je crains qu’il ne chavire
Tant le roulis est fort et la vague profonde,
Il hésite un moment, durant une seconde,
Puis il reprend l’assiette avant de s’enfoncer
Dans la vague suivante qui paraît l’enlacer.
La voile claque au mât, l’aquilon qui s’essouffle
Conserve cependant la puissance du souffle
Et m’emporte, au lointain, au gré de son désir,
Sans cesser pour autant, comme un lion de rugir ;
Mais je me sens confiant, même rempli d’audace,
Avec passivité j’écarte la menace
De ces flots furieux voulant démanteler,
Dans l’aveugle fureur, le navire en entier.
La pluie, un court instant, qui s’est interrompue
Déverse ses sanglots sans plus de retenue,
J’assiste à l’agonie d’un ciel qui est maussade
Dont les larmes, en flot, descendent en cascade
Sur le pont qui frémit comme pour s’ébrouer,
Tel un chien qui sorti d’un bain veut se sécher.
Je reste un long moment à poursuivre ma route,
Tous les sens aux aguets et l’oreille à l’écoute
Pour capter le message annonçant l’accalmie
Car je pressens le ciel qui, avec ironie,
Voulant me défier s’épuise lentement ;
Les nuages s’étirent entraînés par le vent
L’horizon s’éclaircit, il est déjà moins sombre,
De la furie du flot il ne reste qu’une ombre,
Ma tension diminue, je calme mon effort
Et je décide, enfin, de rejoindre le port.


(Asuivre)


 

isa90

Maître Poète
#2
quel beau voyage, plein d'image, on s'y croirait.
c'est superbement exprimé comme toujours.
te lire est sans cesse un plaisir renouvellé.
bisous
isa
 

lebroc

Maître Poète
#3
Toujours autant de plaisir à te lire - Une écriture que j'aime énormément .
Je vais mettre toute cette suite dans mes préférés
Merci Jack ,merci
A très bientôt!