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Le voyageur immobile (8)

#1



Le voyageur immobile, Suite du chapitre 7

J’affrète le navire et je hisse les voiles,
En étudiant mon cap basé sur les étoiles ;
La brise vient à point pour m’éloigner du quai
Et pour doubler les passes en un très court délai.
Je me laisse bercer par la timide houle
Qui creuse l’océan de mille nids de poule.
Quand le phare au lointain s’estompe doucement
Je me retrouve seul à voguer bravement.
Là, je reste des heures à tracer dans l’écume
Un sillon fin, étroit, tandis que je rallume
Le tabac de ma pipe où la braise parfois
Me paraît défaillir. La brume de suroît
Alliée à l’air salin, d’humidité imprègne
Tout l’environnement. Il faut que je m’astreigne
A garder l’équilibre et poursuivre mon cap
Ignorant, quelque peu, ce léger handicap,
Le gouvernail en main je redresse la barre
Pour venir bout au vent. Voilà, je me prépare
Avant d’effectuer d’un simple tour de main
La manœuvre intrépide en un : "han!" surhumain.
Le pointage à la carte indique que ma route
Se révèle correcte, aussi, je m’arc-boute
Profitant d’un repos mérité, un instant,
Qui me rendra la force à être résistant.
Quelques heures plus tard, un long ruban s’étire
Sur le flot écumeux, quand un nouveau délire
Commence à s’emparer de mon esprit nerveux.
Je dois me contenir car je suis si heureux
Qu’il me faut redouter de connaître la peine
Mon cœur a tant de fois supporté la déveine.
Aussi, je me fais fort de garder dans l’attente
Une sérénité, puis je me complimente
Pour avoir préservé mon ardeur, ma passion,
Quand du rivage, enfin! mon pied prend possession.
Mon esquif échoué à la plage déserte,
Sur le pont, étendu, je reste là, inerte
A jouir du bienfait des tropicales nuits,
Insouciant du monde et de tous ses conflits.
Je m’abreuve de paix, de douceur, et de calme,
Ventilant mon visage avec un bout de palme
Lorsqu’un pas inconnu vient arrêter mon geste.
En défense aussitôt, jurant comme une peste
Je vais me redresser, hélas!, il est trop tard,
Une lance pointue qui ressemble à un dard
Est pointée sur mon flanc, et je ne peux rien faire
Pour qu’à mon assaillant je puisse me soustraire.
Là, un signe impérieux mais non inamical
M’incite à me lever puis, d’un ton guttural
Qui me surprend un peu, exprime en son verbiage
Comme une invitation à quitter le rivage.
Mais je ne bouge pas et l’homme furieux
Fait mine de frapper si je reste en ces lieux.
Ma résistance est vaine et il me faut le suivre,
Je dois lui obéir si je désire vivre
Tant sa lance est pointée dans un air menaçant.
Sur ses intentions, je demeure impuissant
Et choisis le parti qui me semble plus sage
De suivre l’inconnu au-delà du rivage.
D’autres hommes surgissent, ils me font prisonnier
Puis m’entraînent illico sur un étroit sentier
Passant sous la forêt peuplée d’herbes géantes,
Parmi les moisissures et les odeurs puantes
Aux infectes relents qui chatouillent mes sens.
J’ai envie de jurer quand soudain mon bon sens
Rassemble mes pensées pour préserver ma vie
Et ne m’incite pas à la moindre folie.
Je garde mon sang-froid dans un ultime effort
Quoique je doute un peu sur ma fin, sur mon sort.
La marche se poursuit dans une palmeraie
Avant que se profile une haute futaie
Qui, à peine franchie, à mon étonnement
Me démasque un décor tout à fait surprenant.
C’est un petit village où les huttes en paille
A la terre mêlée s’érigent en tenaille
Tout autour d’une place, en terrain découvert,
Pareil à un dessin tracé par un expert.
Faisant face au chemin, une case plus haute
Se dresse habilement. Brusquement, je sursaute
En voyant sur son seuil, venu d’un pas léger,
Un être merveilleux au regard bleu d’acier
Qui, me tendant les mains, me fait signe à le suivre.
Je pense sur l’instant être fou ou bien ivre
Et je dois me reprendre en faisant mille efforts
Tant mon cœur donne cours aux plus violents transports.
Avançant à pas lents, j’admire ce visage
Qui, souriant, est loin de paraître sauvage,
Puis dont la pureté brille comme un soleil.
Je crains, en un instant, à mon soudain réveil,
Et que cette vision qui entre dans le songe
Ne retourne à la nuit, s’estompe, se replonge
Aux tréfonds du néant, ramenant la torpeur
Qui, comme chaque fois, vient déchirer mon cœur.
Pourtant il n’en est rien, je la vois bien réelle
Cette femme adorée que je trouve si belle
Dont même la rosée par ses perles d’argent
N’atteint la pureté, ni non plus le diamant,
Ni l’or, ni les joyaux. Créature divine
Issue du fond des temps qui mon regard fascine,
Bouleverse le cœur ainsi que la raison,
Enflamme l’être entier jusqu’à la déraison.
Ô cieux! je vous bénis de m’offrir en pâture
A ce feu bienfaisant qui cause la brûlure,
Me dévore et nourrit, dans un déferlement
D’ineffable bonheur, cause d’un long tourment,
Qui agite mes sens, me porte à la folie,
Ô cieux! soyez certains que je vous remercie!
Connaître un tel amour en souffrant si loin d’elle
Se révélait pour moi une chose cruelle,
Un supplice infernal qui me faisait mourir.
Dieu sait combien de fois il m’a vu défaillir
Me laissant suppliant, seul à mon infortune,
M’offrir un tel amour, ce n’était pas la lune!
Que de fois j’ai crié, j’ai lancé dans le vent
Mon message d’espoir, or mon désir fervent
De retrouver un jour ma belle sauvageonne
S’estompa peu à peu. Que Dieu me le pardonne
Puisqu’aujourd’hui enfin! il paye mon labeur
En m’offrant cette femme ainsi que le bonheur.
A présent que je tiens cette main dans la mienne
Fasse que pour la vie ma belle magicienne
Veuille accepter l’hymen, la couronne de fleur,
La robe immaculée qui sied tant à son cœur,
Les rires de la fête, et les chants, et les danses
Qui feront de la noce la fin de nos souffrances
Pour laisser au bonheur le soin de faire un nid
Afin de prospérer sans le moindre conflit.
Je ne crains, désormais, plus la moindre tempête,
Mon rêve merveilleux m’a guidé dans ma quête,
Je ne redoute point à souffrir au réveil
Puisque réalité et songe c’est pareil.
Il suffit de chercher pour trouver l’inconnue
Qui viendra pour s’offrir toute, ainsi, dévêtue,
Dépouillée et heureuse à offrir un enfant
A un être chéri qui devint son amant
Après l’acceptation du divin mariage,
Quand bien même ce fait daterait d’un autre âge.
Oui, aimer dans l’espoir, aimer dans la douleur,
Oui, aimer pour aimer, ne former qu’un seul cœur,
Rêver n’existe pas car tout est évidence
Pour celui qui a foi en Dame Providence.
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